« Être parisien, ce n'est pas être né à Paris, c'est y renaître. » clame-t-il fièrement sous les ponts, accordéon en main, lui le provincial qui n'est là que depuis quelques jours seulement, à citer à tout va du Sacha Guitry pour se persuader qu'il a déjà vécu la sienne, de renaissance parisienne. Pseudo poète anciennement débraillé, qui se dit que l'accordéon, c'est totalement parisien et que ça fait craquer toutes les filles, surtout celles d'ailleurs qui ne resteront que pour un temps, avec un béret vissé sur le crâne, jetant aux canards et aux cygnes qui nagent sur la Seine ces foutus morceaux de baguette. Cliché ambulant, il prétend atteindre l'American Dream version française, comme il l'appelle – parce que franchement, le rêve français, ça le fait pas – au milieu des murs d'immeubles Haussmanniens, surplombés par la Dame de Fer made in France, qui ressemble plus à un foutu phallus qu'à une quelconque forme féminine. Soit. Paris serait donc un travelo, que l'on appelle Madame malgré sa masculinité apparente par pure politesse et pudeur. Il se prétend adepte du french kiss, s'imagine que sa vie est une compilation des meilleures chanson de Piaf et de Brel, qu'il est le personnage principal d'un film de Godard, Chabrol ou Cocteau et qu'un jour, lui aussi va recevoir la Légion d'Honneur et un accordéon tout neuf. Il se laisse porter par l'impression que Paris lui insuffle un nouvel air, comme si le temps s'était arrêté ici, et se pense alors prêt à écrire chansons et recueils à la gloire de la Belle et de ses bêtes. Fidèle à  son poste de dernier arrivé dans la ville, il en découvre les recoins et s'imprègne de ses manières. Désormais, il râle sur tout ce qui bouge, montrant un dédain suffisant dans les dédales de la capitale, s'indignant sur chaque détail parce qu'après tout, c'est Stéphane Hessel qui l'a dit. Pour se transformer en parisien, en vrai, il se trimbale dans les rues avec une sacoche faussement vieillie, faite de cuir et de toile, dans des couleurs dîtes naturelles pour montrer son côté bobo-écolo de la nouvelle heure et s'est même fait tatouer, parce qu'un parisien, ça doit avoir un petit côté insoumis qu'il doit prétendre comme étant naturel et qu'il n'aurait pas cherché à atteindre à travers les magazines et le « Guide du parfait petit hipster version 2013 » qui proposait, en prime, 25 pages bonus sur l'entretien de la barbe – quelle affaire il a fait là ! Et après tout cela, on pourrait presque le croire parisien pure souche, qui a grandi dans les veines de la ville, à travers le brouillard du matin et la fumée des cigarillos qu'il fume à la terrasse d'un café. Pourtant, il y a peu de temps encore, il n'était qu'un simple salarié dans une petite boutique perdue de Provence. Ce qu'il s'est passé ? C'est très simple.
Monsieur a fait sa crise de la trentaine.